• 22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Petar GRGEC: "Potiron" - huile sur verre de 1970

    Après trois mois de jachères (suite aux belles moissons du chapitre 21), ce blog reprend la binette et le rateau pour une page bucolique, un des thèmes préférés de nos yougoslaves (mot à présent désuet nous le savons, mais nous nous attachons toujours à nommer un serbe un serbe, sans omettre qu'un habitant de Voïvodine peut être slovaque ou hongrois, et un paysan de la vallée de la Drave presque sûrement croate!). Commençons par un plantureux potiron, peint sur verre par Petar GRGEC, né en 1933 à Klostar en Croatie. Il n'est pas paysan, mais aime à peindre la campagne, surtout à l'aube ou au crépuscule, et de préférence en automne. Souvent un saule apparaît en arrière plan ("vern" en breton), qui est pour Petar l'arbre de l'indestructibilité. Taillez-le, toujours il repousse. Des légendes racontent qu'autrefois la vallée de la Drave était souvent inondée et que les premiers babitants ont construit leur maison sur de larges saules (plusieurs peintures naïves représentent ces images d'habitations au-dessus des marais, tel Kopricanec). Ah, Petar nous dit aussi qu'il a été trois fois champion de Yougoslavie en demi-fond. Une volonté, une persévérance qu'il a appliquées à sa peinture.

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Josip-Joska HORVAT: "Trois roses" - huile sur verre de 1972

    Avec Josip, on reste en Croatie. Natif de la Podravina juste au début de la guerre (1939), il a ensuite vécu à Zagreb où il est devenu peintre... en bâtiment. C'est sa première incursion dans ce blog. C'est Ivan Lackovic qui l'a incité à prendre à son tour le pinceau. Josip est le peintre des fleurs, pavots, coquelicots, perce-neige, "fleurs hâtives". Son coeur et son âme sont restés dans la Podravina. On retrouve toujours le thème des paysages sublimés de l'enfance perdue. Enfin, Josip, chouette ton tableau, mais des roses... tu es sûr?!

     

     

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Branko LOVAK: "La pomme fatale" - huile sur verre de 1972

    Une pointe d'humour avec un disciple d'Ivan Generalic: Branko LOVAK (né à Hlébine en 1944, soit carrément dans la marmite de potion magique!) est ensuite parti exercer la profession d'étalagiste à Ljubljana, Slovénie. Du tableau ci-dessus, Branko dit: "On me dit: pas la peine de signer vos tableaux, il suffit que vous y mettiez cette pomme rouge, chacun saura qu'il est votre oeuvre. Pourtant vous y voyez deux sortes de fruits, une pomme et une poire. En dessous de l'arbre, une vache cherche à atteindre la pomme. De là le titre Le fruit défendu (variante de La Pomme fatale). On voit la pomme qui est un poison et la vache qui cherche à en prendre un morceau. Je pense qu'ici, même dans la technique (du verre), j'ai mis beaucoup de moi-même..."

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Stjepan VECENAJ: "Nature morte", une huile sur verre de 1971

    Stjepan est le frère cadet d'Ivan, auquel ce blog a consacré un plein chapitre. Vous vous souvenez, l'illuminé qui aimait transposer des scènes de la Bible dans la vallée de la Drave! Stjepan, c'est un vrai de la Podravina: né en 1928, c'est un vrai peintre-paysan (ou l'inverse plutôt). C'est son frangin qui l'a poussé à peindre les pinceaux, presque toujours sur verre, technique unique!: "il faut toujours retourner la peinture, mille fois". Un de ses tableaux connus est intitulé: "Le jeu de la bascule près du puits" (chouette nom, non?). Il aime aussi peindre les mariages, le carnaval, et "les soûlards qui sortent ivres des cafés et que leurs femmes poursuivent en les frappant à coups de bâtons!" (une idée de thème pour un prochain chapitre du blog?). Stjepan dit que ce sont surtout des Italiens qui achètent ses tableaux.

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Josip GENERALIC: "Fleurs" huile sur verre de 1971

    Ben oui, c'est Josip! Le fils de son père. Le surdoué, le hippie, ici en plein "trip" flower-power, à la lisière du psychédélisme. Il a intitulé ce feu d'artifice simplement "fleurs". Ben voyons. Josip a 35 ans lorsqu'il nous régale de cette féérie bucolique. Pas d'autre commentaire.

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Matija SKURJENI: "Les fleurs" - huile sur toile de 1969

    Oh, la, la, mais qu'est-ce donc? Un rêve fixé sur une toile? Tout à fait, rien que ça. Vous découvrez l'antique Matija SKURJENI, le "peintre de rêves", né en 1898 (!) près de Zlatar, et qui vécut ensuite à Zaprésic (c'est près de Zagreb). Fils de bûcheron, on n'ose même pas vous raconter son enfance, ou vous allez pleurer (son père tué par la chute d'un arbre, laissant sa femme seule avec... 8 enfants, Matija qui part travailler à la gare à ... 12 ans avant d'être blessé sur le front russe lors de la grande guerre de 14-18 soit vers 18 ans! Arrêtons-là). La technique de Matija? Parfois réveillé par des rêves encore frais, il se lève immédiatement et peint ce qui est encore gravé dans sa mémoire. D'où ces tableaux à la touche magique, marquée du sceau du subconscient

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Ivan LACKOVIC: "Fleurs écarlates" 1964, huile sur verre

    Pour notre plaisir, et le vôtre aussi espérons-le, la contribution d'Ivan Lackovic à ce chapitre fleuri. "Immense bouquet de leurs dans la Podravina. Il représente chaque tige, chaque feuille dans le moindre détail", dit de lui Nébojsa Tomasevic, le spécialiste des naïfs yougoslaves.

    22. Potiron, fruits et fleurs

     

    Branko BAHUNEK: "Le marchand de fleurs" huile sur verre de 1974

    Pour clôre ce chapitre bucolique, glissons vers l'étrange, quittons la campagne avec Branko BAHUNEK, de Zagreb, qui s'inspire de l'environnement urbain. Branko est né en 1935, il aime représenter la banlieue ouvrière, les petites maisons collées les unes contre les autres, les ruelles étroites et arrières-cours misérables.  On pense aux Kinks dans "Dead end street".

    Branko dit: "ce que j'aime montrer, c'est le pauvre homme qui travaille dur pour travailler". Souvent un violoneux. Ici, on nous a dit que c'était une marchande de fleurs qui vendait des fleurs sauvages. On a regardé de près: on a appelé le tableau: LE marchand de fleurs. Qu'en pensez-vous? En tous cas, le tableau fascine.

    Cébizar Lémek (cebizarlemek.eklabog.com)


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  • 21. La vie aux champs

     

    Ivan LACKOVIC : "L'été" (carte postale imprimée en Italie à la fin des années 1970, des éditions Décorève de Paris, achetée  2 francs en 1980)

    On va parler un peu de la vie aux champs, puisque ces peintres naïfs sont souvent paysans, puisqu'ils vous diront tous qu'ils sont nostalgiques du monde d'avant, de la campagne et des saisons, des semailles et des moissons... Alors, on a choisi Ivan Lackovic, un des héros de ce blog, pour illustrer la moisson de l'été. On reconnaît ses arbres, ce sont les mêmes qu'en hiver, les femmes ont du coeur à l'ouvrage, elles vont vous ramassser tout ça à la serpe, les nuances orange sont merveilleuses... (Ivan est l'un des incontournables de ce blog)

     

    21. La vie aux champs

     

    Dragan BOBOVEC: "Les semailles" - huile sur verre de 1972

    Ah, un petit nouveau qui a bien sa place. Dragan est né en 1950 à Gola (Croatie donc). C'est un fermier, il aime à peindre sur verre des choses du passé, souvent des bohémiens. Il aime les coulours foncées "le brun, le noir, le jaune et le rouge sombre". Il dit qu'il lui faut environ deux semaines pour peindre un tableau. Ici les semailles dépeignent un monde rude.

    21. La vie aux champs

     

    Jan SOKOL: "Moisson" 1970 huile sur toile

    Très étonnant que ce détour dans le monde de Jan Stokol. Jan a déjà 61 ans lorsqu'il peint sur toile Les Moissons. Jan est slovaque, né à Banat près de Belgrade en 1909 (un vieux chez nos naïfs!). Il fait partie du "groupe de Kovacica". Les chevaux sont peints en blanc parce qu'il aime le blanc, et les hommes portent un chapeau noir, parce que c'est la coutume par chez lui. C'est simple, non?

    21. La vie aux champs

     

    Ivan GENERALIC: "les vaches sous la Tour Eiffel" huile sur verre de 1972 - 580x440mm

    Alors que dire? Encore Generalic? Oui mais pour nous surprendre! De son séjour à Paris, aventure exotique pour lui, il représente son paysage campagnard sous la Tour Eiffel. C'est assez singulier quand même, bien sûr on adhère. 

    21. La vie aux champs

     

    Franjo FILIPOVIC: "La moisson" huile sur verre de 1970 - 400x300mm

    Ici on a envie de dire "chef d'oeuvre", même si les proportions sont petites. Qui a soufflé "Van Gogh"? Faut pas exagérer quand même. Mais les blés d'or apportent un caractère "idyllique" à cette scène. Franjo Filipovic est un fermier de Hlebine, instruit par le "boss" Ivan Generalic, donc complètement dans ce film (né en 1930, il adore peindre l'abattage des porcs au début de l'hiver, quand les paysans se préparent à affronter le grand froid). Mais un scénario de moisson comme celui-ci n'appartient qu'à lui. Il persiste et signe plus loin!

    21. La vie aux champs

     

    Franjo FILIPOVIC: "les moissonneurs" 1975 (huile sur verre) 500x700mm

    C'est heureux que Franjo persiste et signe par ces "moissonneurs" de 1975. Il est fidèle à ses aspirations: peindre son environnement. Ici, il y a du mouvement dans le tableau. Franjo ne voudra pas quitter Hlebine.

    21. La vie aux champs

     

    Branko LOVAK: "Rassemblement pour la moisson", huile sur verre de 1974 (500x500mm)

    Encore un novice dans ce blog, mais pas de surprise quant à son origine (même refrain): né en 1944 à Hlébine, le "boss"lui enseigna les premières techniques de peinture. Branko s'en est allé ensuite à Zagreb. Ici, il a 30 ans, il y a quelque chose sous les tournesols qui méritait de le sélectionner  dans cette petite rubrique. Non? 

    21. La vie aux champs

     

    Mirko VIRIUS: "moisson"  1938 - huile sur toile (44x70cm)

    AH, Mirko, le martyr parmi les trois mousquetaires fondateurs de l'école de Hlebine. Ici la Hongrie n'est pas loin, "on entend presque le bruit de la faux, on sent les douleurs dans le dos, l'épuisement à force de lier les bottes de blé coupé...". Quelle clarté Mirko! Quel dommage que la guerre t'ait fermé les yeux.

    21. La vie aux champs

     

    Dragan GAZI: "Devant l'église" - huile sur verre de 1969

    Et après les moissons, que font-ils, nos paysans, en Podravina, en Alentejo, en Bavière ou dans le Léon? Ils font la fête, que diable! Ici c'est Dragan GAZI, enfant de la Drave, qui s'amuse (vu dans le chapitre précédent, toujours brillant: remarquez à droite l'enfant monté dans l'arbre qui espionne les amoureux). Dragan dit: "Je n'écris pas, je ne chante pas, je ne suis pas poète. Comment exprimer ce que j'ai en moi, quand quelque chose me cause joie ou chagrin?"

    "What you reap is what you sow" (Lou Reed)

    Cébizar Lémek (cebizarlemek.eklablog.com)


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  • 20. Le grand trombinoscope

     

    Martin MEHKEK: "Le villageois commun" - huile sur verre de 1976

    Et si nous nous intéressions aux individus? Aux êtres de Kljuc ou de la Podravina, aux paysans, aux vieillards? Vous verrez peu de femmes, comme si les peintres paysans rechignaient à représenter les belles yougoslaves. Mais Martin Mehkek inaugure bien cette galerie de portraits avec son "villageois commun". Né en 1936, c'est un gars de Gola, près de Hlebine. Il peint souvent des bohémiens. Nebojsa Tomasevic, le spécialiste en peintres croates, nous décrit le tableau: "c'est un homme aux cheveux broussailleux et au visage ridé avant l'âge. Il attend que la famille s'endorme pour se glisser furtivement dans la grange et se reposer. Il paraît résigné à son destin". Comment Nebojsa connaît-il l'anecdote de la grange? Il termine en poète: "Des flocons de neige poudreuse emmitouflent les arbres tandis que les corneilles battent de l'aile dans le ciel, emportées par le vent".

     

    20. Le grand trombinoscope

     

    MIRKO VIRIUS: "Un mendiant" - huile sur toile de 1938

    Ah, Mirko Virius, vous savez, l'un des trois mousquetaires fondateurs de "l'école" de Hlebine, tué dans un camp de concentration en 1943 (après avoir déjà été fait prisonnier pendant et après la 1ère guerre mondiale...). Mirko peint à l'huile, ce qui rend ses peintures plus sombres encore. Il peint l'atmosphère de l'avant-guerre, la rudesse de la vie paysanne et l'injustice sociale de ce temps.

    20. Le grand trombinoscope

     

    Mijo KOVACIC: "Le paysan pensif" (détail) - huile sur verre de 1971

    Il vous plaît, n'est-ce pas, ce paysan songeur de Kovacic?! Peut-être est-ce son regard qui nous le rend sympathique. Ou ses fraises des bois dans le bonnet. Bref, Mijo impressionne. Bizarrement, ce tableau est aussi parfois appelé "l'idiot du village". On n'est pas d'accord du tout. Vous aimez le p'tit bout de ficelle au sommet du bonnet?

    20. Le grand trombinoscope

     

    Josip GENERALIC: "Le domestique" - huile sur verre de 1973

    Dans la famille Generalic, je voudrais le fils! Voici Josip, le surdoué, bien qu'il s'en défende. C'est la seconde fois qu'il s'invite dans ce blog, ce domestique, il n'a toujours pas recousu son bouton. Mais on aime sa singularité.

    20. Le grand trombinoscope

     

    Ivan RABUZIN: "La gardienne d'oiseaux"  Huile sur toile de 1962

    "Enfin Rabuzin!" diront les aficionados d'Ivan de Kljuc (né en 1921). Ivan a un style unique, il peint des paysages aux couleurs moins vives que les peintres paysans de Hlebine, mais il tend à représenter un paysage idéal. Ivan dit en 1975: "Je voudrais que mes peintures produisent chez les gens un sentiment de joie et de bonheur dans ce monde plutôt triste d'aujourd'hui". La gardienne d'oiseaux est la seule femme de notre trombinoscope. Pas très glamour en effet. Elle a un côté Bécassine, non?

    20. Le grand trombinoscope

     

    Martin JONAS: "Le paysan" - huile sur toile de 1970

    Attention, chef-d'oeuvre! Bravo, Martin (né en 1924). Sa maison, vous la trouverez facilement: elle est juste en face de l'église à Kovacica, quelque part au nord de Belgrade, non loin de la Slovaquie. C'est un vrai peintre-paysan, qui a rejoint les fameux Partisans pendant la guerre et connu pas mal de misères. En 1970, il a donc 46 ans lorsqu'il nous peint ce paysan qui semble se retourner pour parler à la Lune rousse. Tout est remarquable dans ce tableau étonnamment moderne de ton: le cadrage, les couleurs. Et cette bête à gauche sur la barrière: ce n'est pas un chat quand même (zut! l'image est tronquée et l'on ne distingue que sa queue)!

    20. Le grand trombinoscope

     

    Ivan GENERALIC: "Mon atelier" (détail) huile sur verre de 1959

    Voici le Boss de Hlebine! C'est un autoportrait (il porte sa célèbre casquette): les anciens de Hlebine savent bien que sa cour ne ressemblait pas à ça. Un spécialiste vous dirait que la vache rouge le regarde peindre et que le coq proclame l'achèvement du tableau (on nous l'a soufflé!)

    20. Le grand trombinoscope

     

    Ivan GENERALIC: "Autoportrait" - huile sur verre de 1975

    Vous êtes surpris? Vous vous demandez si c'est encore ici de l'art naïf? Nous aussi. En même temps, vous comprenez un peu pourquoi Ivan est "le boss". On est en 1975, c'est comme s'il avait tourné le dos à son parcours antérieur. Plus de campagne en arrière-plan, pas même de cheveux. Ivan a la tête penchée, comme s'il méditait sur la fin de la vie.

    20. Le grand trombinoscope

     

    Dragan GAZI: "Vieillard" - petite huile sur verre de 1956

    Né en 1930, Dragan GAZI apparaît pour la 1ère fois dans ce blog (mais on le reverra). Il est l'un des représentants les plus importants du cercle de Hlebine de l'après-guerre. Ici, "le visage du vieillard est compris comme une masse qui domine toute la surface peinte", dit le grand ouvrage. Ce tableau vient clôre ce premier trombinoscope. Un autre pourrait suivre avec Mihailo Bires, Dragan Bobovec, Franjo Klopotan et Savo Sekulic par exemple...

    Cébizar Lémek (cebizarlemek.eklablog.com)

     


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  • 19. Funérailles à la slave

     

    Ivan LACKOVIC CROATA: "Funérailles du pauvre" 1966

    Un peu de gaîté, intéressons-nous au thème de la mort, des enterrements, chez nos naïfs yougoslaves! Et retrouvons Ivan Lackovic, l'un de nos cracks préférés, pour les funérailles d'un pauvre en hiver, saison de la solitude. Au commentaire, Vladimir Malekovic, spécialiste de l'art "autochtone" (une autre façon de dire "naïf", un terme que tant s'emploient à éviter): "Funérailles du pauvre est la première et la plus importante toile de Lackovic du cycle des nostalgies mythiques. A l'origine de cette oeuvre ne réside pas l'émotion de l'artiste, mais un point de vue ingénu. A travers un paysage désert et enneigé dix personnages accompagnent le triste convoi funèbre d'un sans-toit jusqu'à son dernier lieu de repos. Deux chiens égarés et un essaim de corneilles tournent autour de ce convoi qui traîne lentement parmi des croix abandonnées. Au milieu de la scène, une tombe ouverte: sur la terre qui entoure la fosse fraîchement creusée et encore chaude, des bouquets de coquelicots rouges se sont épanouis! La nature a réglé ses comptes: par une grande mandorle fleurie, elle a dirait-on érigé à un sans-nom la plus belle porte triomphale à l'entrée du néant". Fortiche comme interprétation, non? Qu'en penses-tu, Ivan?

     

    19. Funérailles à la slave!

    Ivan Lackovic: "Funérailles de Konaci" 1966 - sérigraphie/papier

    19. Funérailles à la slave

     

    Sofija DOKLEAN: "L'enterrement", huile sur toile de 1972

    Sofija est d'origine roumaine. Née en 1931 dans le village d'Uzdin, non loin de Belgrade, en Serbie donc, elle n'a semble-t-il jamais quitté son coin de campagne, cousant, confectionnant des coussins "comme des bateaux", travaillant dans les champs.Mariée à 16 ans, elle dit que c'est elle qui a choisi son mari (hum!). Son mari est heureux de la voir peindre les coutumes, le peuple au travail dans les champs. A propos de l'enterrement, Sofija dit: "C'était quelque chose de triste. Un garçon de notre village était mort et je suis allée à son enterrement. D'habitude, tout le monde s'y rend lorsque c'est quelqu'un du village qu'on enterre. Toutes les femmes pleurent. C'était infiniment triste".

    Les femmes sont en noir, les hommes en blanc, le cimetière au second-plan est superbe.

    19. Funérailles à la slave

     

    Jozé SVETINA: "Funérailles" - huile sur verre, 1968

    En Slovénie, Jozé Svétina est instituteur (né en 1934 à Smartno) et vit à Zavodnje, petite localité de montagne. Vous avez remarqué?: il peint des ciels rouges. Jozé s'explique: "le soir, parfois le ciel est d'un rouge si beau qu'il y a une lueur rouge même à l'intérieur des maisons. Mais le rouge de mes tableaux est le reflet de la mort de ma fille de six ans. Ici sur la montagne, au milieu de ce paysage magnifique, mais aussi dans cette solitude, je ne parviens pas à me défaire de la tragédie de ma fille. La peinture représente ses funérailles. Ce souvenir m'obsède". 

    19. Funérailles à la slave

     

    Dragan GAZI: "Un malade dans la famille" Huile sur verre, 1975

    Ah, ici on triche un peu! La mort n'est pas encore entrée par la fenêtre emporter l'âme du malade, et on espère même qu'il guérira, avec des infirmières pareilles! Dragan est fermier (né en 1930), c'est le voisin d'Ivan Generalic, le boss de Hlebine. Il aime la peinture réaliste, représenter les animaux et les travaux des champs. Ici, il se démarque de ces thèmes classiques, avec ce malade verdâtre. Peut-être pense-t-il à son frère Branko, sculpteur connu, cloué au lit durant 20 ans,  qu'il a soigné sans repos. Ne laissez pas la bougie s'éteindre!

    19. Funérailles à la slave

     

    Finissons cette tournée des cimetières avec ce dessin au crayon, plume et encre de Chine d'Ivan VECENAJ ("Enterrement" -1962), vous savez, le toqué des thèmes bibliques! A bientôt,

    Cébizar Lémek

    (cebizarlemek.eklablog.com)


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  • 18. Excentricités yougoslaves

     

    IVAN GENERALIC: "Mona Lisa de Hlebine" Huile sur verre - 1972

    Jusqu'à présent ce blog à quat' sous vous a surtout exposé des tableaux représentant les thèmes classiques des naïfs yougoslaves: la vie à la campagne, les animaux, les saisons, les semailles et les moissons. Oui, mais ces gens-là ont aussi dans un coin de leur tête une extravagance qu'il ont parfois du mal à cacher. Dans le Nord on dirait qu'ils ont "des chauves-souris dans le beffroi", dans le Léon on les trouverait "complètement chavirés". Une toile emblématique de cette excentricité, c'est "Imbro de Hlebine" (1975) de Josip Generalic, représentant un cosmonaute et sa vache sur une Lune de la Podravina (je vous invite à la retrouver sur le net, ce blog n'en n'a pas eu copie). A défaut, commençons par "Mona Lisa de Hlebine" du boss Ivan. Drôle de poule aux serres impressionnantes, un peu apeurée dans un paysage martien.

    18. Excentricités yougoslaves

     

    DUSAN JEFTOVIC: "Mon rêve" - huile sur toile de 1970

    Changeons de province, et partons en Serbie retrouver à Belgrade le moustachu Dusan Jeftovic (né en 1925), fan de Brueghel, qui aime représenter une foule de personnages sur ses toiles. On est ici servi avec "mon rêve". C'est un ancien officier de police qui a peint ce tableau foisonnant. De sa femme, Dusan dit: "Fréquemment, elle me critique si elle pense que j'ai été trop loin dans une scène, si c'est trop théâtral ou déplaisant. Parfois aussi, elle critique mes couleurs... Mais quand elle m'adresse ces critiques, je n'y fais pas attention. Il arrive même que je me fâche et que j'élève la voix. Mais, après un certain temps, je m'assieds, je réfléchis, je regarde et je me rends compte que ma femme avait raison..."

    18. Excentricités yougoslaves

     

    BORIS LAVRIC: "Sur les ailes de la nuit" - huile sur verre de 1971

    Faisons un saut en Slovénie, à Kranj, retrouver un mécanicien-téléphoniste un peu exalté, peintre de l'âme humaine tiraillée "entre la terre et l'espace, l'éternité et le néant". Boris (né en 1933) dit: "Dans mes peintures, en ce moment, ce sont uniquement les femmes qui voyagent. Elles sont portées par des coqs puissants ou des chevaux vigoureux. Cela représente quelque chose qui conquiert les planètes, c'est purement symbolique. Le coq ou le cheval pourrait être disons une fusée ou un navire ou quelque chose de ce genre. Où vont les femmes? C'est difficile à dire. Et il est encore plus malaisé de savoir où elles s'arrêteront".

    Tu as raison, Boris, cette question, tous les hommes se la posent!

    18. Excentricités yougoslaves

     

    MILAN NAP: "Ensemble pour toujours" huile sur toile (1972)

    Milan a 59 ans lorsqu'il peint ce curieux tableau. Né en Croatie, il est parti vivre au Kosovo à l'âge de la retraite. Ce n'est qu'à partir de là qu'il s'est sérieusement mis à peindre, formant un groupement des peintres anciens mineurs à Ombilic. De sa toile, Milan dit: "J'ai voulu montrer, d'après des monuments à la fois turcs et serbes, certains éléments de l'histoire de notre région. Les évènements auxquels je fais allusion se sont déroulés il y a longtemps, mais les pivoines rouges sont encore là. Les gens disent qu'elles sont du sang des héros qui sont tombés ici au Kosovo, dans cette plaine qui ressemble à un tapis tissé de pivoines qui s'inclinent sous les souffles du vent, et l'on dirait que le ciel en est tout rempli."

    Merci de ces précisions, Milan, mais tu ne nous a pas expliqué ce que fait le merle sur ce buffle (même si la couleur plombée du ciel rappelle les mines de plomb et d'argent de Kosovo)...

    18. Excentricités yougoslaves

     

    ANTUN BAHUNEK: "Chevaux folâtres" huile sur toile de 1975

    C'est dans une arrière-cour des faubourgs de Zagreb qu'on a retrouvé Antun Bahunek. Antun est né en 1912. Il a travaillé dans les chemins de fer, peignant des signaux sur les locomotives et les wagons.Antun dit: "J'ai changé la fumée des locomotives contre l'air frais de ma région".

    Et c'est vrai qu'il aime peindre des paysages vallonnés, avec "the Antun touch": sa technique? inscrire des petits cercles sur la surface unie du tableau, découpant l'étendue et y imbriquant des molécules de couleur. Dans ces "chevaux folâtres" (quel joli mot!), assez surréaliste, deux chevaux jouent dans un décor étrange d'arbres et de bosquets. La jeune cavalière nue symbolise "le rêve, l'évasion, la personnification de la jeunesse et de la beauté pastorale". C'est ce qu'a écrit Nebjsa Tomasevic, et c'est un sacré spécialiste!

    18. Excentricités yougoslaves

     

    PETAR RISIC: "Le coq blessé" (huile sur verre - 1975)

    Pour terminer ce tour d'horizon des excentricités naïves, choisissons ce coq blessé (bien mal en point!) de Petar RISIC. Petar est né en 1927 en Serbie. Retraité de l'armée (encore un militaire qui peint), ancien Partisan, il va représenter les scènes de sa province natale, se souvenant des histoires du grand-papa Zdravko. Le coq blessé "gît dans la cour d'une vieille maison. Il symbolise l'homme vaincu par l'existence, étendu sans aide, privé de la force virile de la vie. Ses plumes, comme les feuilles, se confondront avec le sol et disparaîtront de la surface terrestre" (c'est ce qu'explique Nebojsa Tomasevic, lui même ancien Partisan, fin connaisseur de nos chers naïfs)

    Cébizar Lémek (cebizarlemek.eklablog.com)


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