-
Jan Husarik (Padina)
Vous avez apprécié la première série des dessins en noir et blanc des peintres yougoslaves? Nous aussi. Tous ont été exécutés (on ne va pas dire "griffonnés" tout de même!) dans les années 1960 et 1970. C'est un peu comme si l'on ouvrait un carnet à dessin laissé là sur une table d'auberge, à Gola ou à Kovacica. Quelques traits, et un beau voyage en campagne Yougoslave, pays disparu, "dispersé façon puzzle" aurait dit Michel Audiard. Ces dessins, pour une fois, vous sont présentés sans commentaires. Car "trop de texte tue le texte" (Tex Avery?).
Petar Grgec et ses chevaux! (Klostar Podravski)
Franjo Filipovic (Hlebine)
Djordje Dobric (Veliko Selo, puis Belgrade)
Dragica Belkovic, sculptrice sur bois (Hlebine)
Marija Balan (Uzdin)
Ivan Vecenaj (Gola)
Ivan Lackovic (né à Balinska, puis Zagreb)
Ivan Lackovic et ses sorcières (Zagreb)
Ivan Generalic, "le boss" (Hlebine)
Mijo Kovacic (Gornja Suma)
Ivan Vecenaj (Gola)
Martin Mehkek (Gola)
Martin Kopricanec (Molve)
Ivan Lackovic (Zagreb)
Viktor Magyar (Grosuplje)
Les noms entre parenthèses sont ceux des lieux d'habitation des peintres-dessinateurs. Vous pouvez retrouver les cartes de l'ex-Yougoslavie dans le chapitre 30 de ce blog (si vous êtes curieux!)
Cébizar vous dit "à bientôt!"
cebizarlemek.eklablog.com
votre commentaire -
Jan Venjarski (Kovacica)
"Trop de couleurs distrait le spectateur", disait Jacques Tati. Alors, voici quelques esquisses, quelques traits, qui vont se passer de commentaires. Magie du crayon ou de la plume. Les auteurs, pour la plupart, ne sont pas les plus connus dans ce blog. Chic!
Ondrej Venjarski (Kovacica)
Stepan Vecenaj (Gola)
Savic Krsta (Svem de Maradik)
Milan Rasic (Svetozarevo)
Florika Puja (Uzdin)
Josip Pintaric (Nova Gradiski)
Tomislav-Rvat Petranovic (Prvca)
Greta Pecnik (Piran)
Ana Oncu (Uzdin)
Dobrosav Milojevic (Svetozarevo)
Martin Mehkek (Gola)
Mihajlo Marjancevic (Stari Banovci)
Branko Lovak (Ljubjana - né à Hlebine)
Enthousiasmantes, non?, ces exquises esquisses. A tel point qu'il y aura certainement une seconde partie, le format de ces dessins en noir et blanc épousant joliment les dimensions de ce blog. En plus, quelques femmes (Florika, Greta, Ana) viennent y jouer de leur plume noire, ne laissant pas l'exclusivité de la page blanche aux seuls hommes!
Alors, à bientôt!
Cebizarlemek.eklablog.com
votre commentaire -
Carte 1: Slovénie et Croatie. L'on s'est inspiré de la cartographie des ouvrages de Nebojsa Tomasevic (la Bible de ce blog) que l'on a retranscrite grosso-modo avec les frontières actuelles des pays issus de l'ex-Yougoslavie. Certains lieux ne sont que des villages. Il n'y a pas de lieu mentionné en Bosnie-Herzégovine. Cependant, certains peintres sont évoqués semble-t-il dans ce blog (nous recherchons!)
Au nord-ouest de ce qui fut la Yougoslavie (voir le second article dans ce blog: "un zeste d'histoire yougoslave"), se trouve un pays de montagnes (les Alpes), accolée à l'Autriche et à l'Italie. C'est la Slovénie (ex-république socialiste de Slovénie). Aux XVIIIème et XIXème siècles, les paysans slovènes ont pris l'habitude de peindre leurs chaumières et dessiner des scènes de tous les jours, "des scènes bibliques et des animaux fabuleux". Les peintres naïfs ont tout simplement fait revivre cette tradition bien slovène.
La Croatie, qui dessine aujourd'hui un grand "C" et baigne ses pieds dans l'Adriatique, a pour capitale de l'art naïf Hlebine, ce village aux vieilles ruelles "poussiéreuses l'été, et boueuses l'hiver". Village niché sur les bords de la Drave dans la plaine de la Podravina, à la frontière hongroise. La Drave et ses marais. C'est à Hlebine que les trois mousquetaires Mirko Virius, Franjo Mraz et Ivan Generalic ("le boss" dans ce blog) donnèrent naissance à un mouvement artistique (voir l'article 3 de ce blog). Peu à peu d'autres peintres (souvent paysans) ont essaimé dans les villages alentour (à Gola, Molve ou Gornja Suma). Et de la capitale, Zagreb, naquirent bon nombre d'artistes qui cherchèrent l'inspiration à la campagne, pour y saisir la nostalgie de cette vie proche de la terre, une vie lente portant beau le vieux manteau des traditions.
Carte 2: Serbie (avec la province de Voïvodine) et Macédoine du Nord. L'on s'est inspiré de la cartographie des ouvrages de Nebojsa Tomasevic (la Bible de ce blog) que l'on a retranscrite grosso-modo avec les frontières actuelles des pays issus de l'ex-Yougoslavie. Le contexte géopolitique de la région étant délicat, cette carte est espérons-le aussi neutre que souhaitée.
Au nord de l'actuelle Serbie, frontalière de la Hongrie et de la Roumanie, se trouve la grande plaine de Voïvodine (Vojvodina), à l'époque de la Yougoslavie "province autonome". Située au carrefour des routes d'Europe centrale, la Voïvodine a vu s'installer Serbes, Hongrois, Slovaques, Roumains et Ruthéniens (peuple slave oriental). Souvent, chaque communauté s'installait dans un village propre. Parfois, elles se mélangeaient. A Kovacica, les ancêtres étaient slovaques. Ce fut le meunier du village (Martin Paluska) qui prit le premier les pinceaux dans ses moments de liberté, peu avant la seconde guerre mondiale. Et, après-guerre, des paysannes d'Uzin, village à forte communauté roumaine, se mirent à peindre des personnages traditionnels. Enfin, à Novi-Sad, deux hongrois se firent un nom: Emerik Fejes (fabricant de boutons) et Pal Homonaj (un menuisier).
Au sud de la Serbie (actuel Kosovo), c'est au village d'Oparic que le paysan Janko Brasic fit naître l'art naïf, exposant dès 1933. Il allait rapidement influencer d'autres artistes autodidactes dans la région. Dans la capitale, Belgrade, s'installèrent des peintres célèbres, même le croate Franjo Mraz, l'un des "trois mousquetaires de Hlebine". A Svetozarevo fut inaugurée dans les années 1960 une galerie d'art naïf. Existe-t-elle encore?
Enfin, tout au sud se trouvait la "république socialiste de Macédoine", aujourd'hui Macédoine du Nord. Un pays montagneux, qui gardait au XXème les traces de siècles d'occupation ottomane. Un pays de bergers, de tisseurs, connus pour ses sculptures en bois. C'est à Skopje que Djordje Sijakovic a peint "A la recherche du bonheur", quête universelle!
Merci au livre de Nebojsa Tomasevic pour l'élaboration de ce chapitre.
Cebizar Lémek
Cébizar se dit que les années passent et qu'il n'ira sans doute jamais voir le musée d'art naïf de Hlebine, ni les hérons dans les marais de la Podravina... Les années passent et les peintres ici évoqués nous ont quittés pour la plupart. L'âge d'or de leur reconnaissance (les années 1960 et 1970) s'éloigne doucement, comme une barque s'en va vers le large. Ce blog parle d'eux au présent, puisque leurs peintures continuent à nous parler. Non?
Merci encore aux internautes qui atterrissent sur ces pages, et parfois s'y attardent.
votre commentaire -
"Portrait d'un Slovaque", par Mihajlo BIRES (huile sur toile, 1972)
Ce blog prend tout son temps, j'en conviens. Ce grand trombinoscope (part two) est donc la suite du 20ème article écrit en avril 2016, où l'on avait retrouvé un villageois commun, un mendiant, un paysan pensif, un domestique, une gardienne d'oiseaux, un vieillard et un autoportrait étonnant d'Ivan Generalic (appelé "le boss" dans ce petit blog). Découvrons Mihajlo Bires (né en 1912), un fermier d'origine slovaque. Il dit que la peinture est pour lui un passe-temps pendant l'hiver. Il peint beaucoup de portraits de paysans, une dizaine de tableaux par an. Ce Slovaque a le regard mélancolique. Que pense-t-il des oustachis moustachus?
"Autoportrait", huile sur verre de Dragisa BUNJEVACKI (1963)
Dragisa a toujours la pipe et le béret, j'ai vérifié. Sur son autoportrait, il a rasé sa barbe. Né en 1925 près de Belgrade, il vit en Voïvodine. Un peu perturbé par la violence du monde (les guerres, la bombe atomique qui le hante), il a longtemps vécu dans le monde du cirque comme garçon d'écurie, on l'a vu aussi imprimeur ou musicien de café. Il tient un joli discours: "La peinture m'accapare à un point tel que des gens disent: "cet homme a tout abandonné, c'est un raté complet". Ils sont incapables de comprendre combien je suis riche en fait. Car la richesse, ce n'est pas seulement le fait d'avoir une belle maison aux murs à carreaux vernissés et deux automobiles devant la façade ou un hélicoptère sur le toit. La richesse, elle est dans l'âme, dans le fait de posséder quelque chose pour quoi l'on vit. Si cela fait défaut, alors tout le reste ne signifie rien, un tas de briques et de tuiles sans valeur, un monceau de métal, rien de plus. Voilà comment je vois les choses: l'homme doit avoir en lui une vie spirituelle; sinon, l'existence ne vaut pas d'être vécue". Un philosophe avec une pipe et un béret!
"Autoportrait", huile sur verre de Franjo KLOPOTAN (1972)
Que se passe-t-il quand un infirmier un rien mystique se met à la peinture sur verre? Si vous avez parcouru l'article sur les animaux extraordinaires, vous avez déjà une idée de l'univers de Franjo (un Croate, né en 1938 à Presecnje), qui aime peindre papillons et oiseaux. C'est un "gai papillon" que l'on retrouve sur la gauche du tableau (si). Franjo a décidé que le côté gauche, c'est la face heureuse de la vie, avec "un lac paisible, un paysage calme". A droite, "c'est le côté malheureux de l'existence: une croix à laquelle pend un poisson et deux oiseaux de proie. C'est 'âge adulte". Donc, l'enfance heureuse à gauche. L'autoportrait, tout d'orange vêtu et portant jolie barbe, a les yeux d'un illuminé. Pas étonnant de la part de quelqu'un capable de peindre un "rêve de chat" ou "la rédemption d'anciens péchés". La signature, en haut à gauche, est bien jolie. Franjo s'étonne parfois de vendre moins de tableaux que d'autres collègues. Quand on peint des poissons pendus...
"Le retour", huile sur toile de Tomislav PETRANOVIC (1972)
Pas une, mais deux trombines ici, avec l'instituteur croate Tomislav-Rvat Petranovic, qui vit à Prvca (né en 1934). Il est assez costaud, et porte des rouflaquettes. Vous vous souvenez de son tableau "Eau folle?" Il aime les thèmes chers aux peintres-paysans: la vallée de la Save, la rivière, les marais, les vieilles souches d'arbre, les "paysans aux poings formidables qui, au dire de certaines personnes, paraissent un peu grotesques, bien que je ne les caricature nullement". Vous avez vu la main de la dame qui rentre du village avec son panier en osier rempli de victuailles sans doute? Un vrai battoir! Celle du pépé qui tient la grosse bûche sur son épaule n'est pas mal non plus. . Le tableau dégage une forme de sérénité. Nulle fatigue sur les traits du couple, très à l'aise dans la campagne enneigée.
"Le faucheur", huile sur toile d'Anton REPNIK (1970)
Etonnant tableau, que ce faucheur aux tons jaune et rouge, dans une position que l'on retrouve dans les peintures africaines ou haïtiennes. Il est occupé à affûter la lame de sa faux avec une pierre biseautée. Anton, c'est à Gornja Muta, près de la frontière autrichienne qu'on peut le trouver. Il vit à l'étroit: "nous vivons à neuf dans une même pièce" 'avec sa femme et ses sept enfants!). Ancien ouvrier métallurgiste, tombé malade et déclaré invalide, il s'est mis à peindre en 1962. En même temps que sa santé s'améliorait, les couleurs de ses tableaux sont devenues plus vives. Il devait être assez en forme lorsqu'il a peint son faucheur! Certain d'être différent des autres peintres, il nous dit: "les visages des gens qui figurent sur mes toiles ne sont pas de simples portraits. Ils sont le résultat d'une étude psychologique de nos paysans. Je m'efforce toujours de faire apparaître le sens de l'humour qui caractérise notre peuple. D'après la physionomie de mes personnages, il vous est facile de voir ce qu'ils pensent et ce qu'ils sentent". Dis-moi, faucheur au regard triste et à la bouche qui fait la moue, à quoi penses-tu?
"La penseuse", huile sur toile de Savo SEKULIC (1960)
Savo est presque né avec le siècle (1902, à Bilisanje, Croatie). C'est un des doyens de ce blog. Il y a une photo de lui avec un chapeau: il aurait pu jouer dans "l'affaire Seznec". Il plisse les yeux et vous regarde. Ce n'est pas un paysan, il fut un temps maçon, et a accepté tous les emplois qui passaient à sa portée. Il aime à peindre sur toiles des sujets fantastiques et se dit aussi poète. Mais rien de cela ici avec cette "penseuse" que malheureusement il n'a pas commenté. Dommage! Car l'ami Sekulic est un peu perché, qui voit "sur des murs humides toutes sortes de petites figures";
Le ton du tableau est assez moderne, non? Déjà, la composition étonne, avec la main posée horizontalement et la position des jambes qui interpelle. Il y a du respect de la part du peintre pour cette femme, non représentée comme une paysanne rustaude aux traits tirés, mais plutôt comme une intellectuelle au visage assez fin. On la verrait bien assise dans un café chic de la Mitteleuropa, à Vienne ou Bucarest. Ou je me trompe?
"Vagabond", huile sur bois de Djordje SIJAKOVIC (1971)
Si Savo Sekulic pensait être le dinosaure de ce trombinoscope part-two, il est coiffé sur le poteau par Djordje, né en 1901 (à Cettigné, Monténégro)! Djordje Sijakovic porte des lunettes, on dirait un homme politique. Il est allé en Amérique (!), alors que la plupart des peintre naïfs n'ont jamais quitté leur coin de campagne. Ce n'est qu'une fois à la retraite qu'il a pris le pinceau de son fils et s'est mis à peindre sur bois des scènes de la vie en Macédoine. Des bûcherons albanais, des campements de gitans. "Prenez ce vagabond, dit Djordje. Sa mise n'a rien de macédonien, cela vient de là-bas (l'Amérique). Il est de teinte sombre, de ton quelque peu triste, tandis que les couleurs sont beaucoup plus vives pour "les gitans", parce que leur univers est optimiste. Ces gens sont très gais. Selon moi, ils ont une conception réaliste de la vie. Même lorsqu'ils sont tristes, ils savent comment atténuer leur affliction". Ici, on aime bien cette remarque sur les gitans, un peuple souvent représenté par les peintres naïfs, et avec bienveillance.
Le vagabond nous regarde avec ses yeux verts, tels les raisins de la colère. Il est torse-nu sous son vieux manteau rapiécé, et porte son baluchon sur le dos. Il a un port de tête un rien biblique et tient sa canne à la Charlot.
"Imbro de Hlebine", huile sur verre de Josip GENERALIC (1975)
Ah, ah! On fait le grand écart dans ce trombinoscope part-two et on va terminer par des vedettes de ce blog, et d'abord par l'un des plus illuminés, Josip Generalic. C'est sans la première fois que le tableau est représenté en entier. Il en a semble-t-il peint plusieurs variations. Il a apposé sa signature en pendentif. Quel instrument Imbro tient-il dans sa main droite? On dirait une sorte de trompette. Josip saurait très bien vous expliquer pourquoi ce tableau ne doit pas nous surprendre. La tenue du cosmonaute est formidable, il est nu-pieds et la vache, paisible, broute le lichen... de la Lune?
"Les boeufs", huile sur toile de Josip PINTARIC (1973)
"Le vieil homme et le maïs", huile sur toile de Josip PINTARIC (1971)
On retrouve le menuisier Josip Pintaric pour deux tableaux superbes, sans doute déjà montrés. Mais le visage de ces deux hommes là devaient trouver place dans ce trombinoscope.
"Sofija Loren" (détail), par Josip GENERALIC (1973)
Pour clore ce chapitre, la couverture un peu usée d'un grand livre "chefs d'oeuvre en grand format: la peinture naïve en Yougoslavie". Avec Sophia Loren dans la Podravina, et son chat qui nous regarde, tel un être humain!
A bientôt!
cebizarlemek.eklablog.com
votre commentaire -
1/2 - Marioara Motorozesku "Nouveaux mariés", huile sur toile 1964
2/2 - Fritzner Alphonse, huile sur toile 49 x 39 cm
L'autre jour, sur la froide terrasse d'un salon de thé fermé de la gare Montparnasse, livrée aux pigeons et aux voyageurs en quête de confinement (Covid19), Cébizar et Nouba ont échangé quelques mots avec un couple d'alertes retraités rentrant d'Haïti, belle île meurtrie des Antilles. Bientôt la dame en vint à évoquer la richesse culturelle méconnue des haïtiens, littéraire, mais aussi artistique. Le monsieur, qui portait une casquette, nous dit: "les peintres naïfs haïtiens sont souvent des paysans". Vint immédiatement à Nouba l'idée de tenter de faire un parallèle entre 9 peintures issues du joli livre "Mariages dans la peinture haïtienne" (2005) et 9 tableaux de nos chers naïfs yougoslaves.
Alors, on commence? Ci dessus (1/2), Mariora Motorojescu (appellation roumaine de son nom), née en 1928, le fichu sur la tête telle une campagnarde russe, vit à Uzdin près de Belgrade. C'est une paysanne, elle a représenté son mariage en costume national. "A mon époque les filles se mariaient vers 16 ans. Le mari,c'était le choix des parents". En dessous (2/2), Fritzner Alphonse: les mariés ont aussi revêtu les costumes classiques du mariage. Ente les deux tableaux, similitude des expressions: visages sérieux, même bouche pincée. L'instant est solennel! Fritzner est né en 1936 à Port-au-Prince et fut longtemps tanneur de cuir. Son thème de prédilection, ce sont les femmes créoles. Il aurait peint une grande fresque à Miami, l'avez-vous vue?
3/4 - Taran Steluca : "Après-midi dominical", huile sur toile 1972
4/4 - Valmidor, acrylique sur toile (60 x 50 cm)
Jour de mariage toujours chez Taran Steluca (3/4), d'origine roumaine elle aussi comme Mariora, un peu plus jeune (née en 1940), même fichu sur la tête mais un air moins revêche. Toutes les deux sont membres du "groupe d'Uzdin", comme il y eut celui de Hlebine. Même envie chez Taran de peindre les coutumes qui disparaissent, comme ces mariages en costume. "Ce sont nos tableaux qui les maintiennent en vie", dit-elle. Avez-vous remarqué la pompe à eau?
En-dessous, une toile de Valdimor (pas celui d'Harry Potter!, me souffle-t-on), un artiste, une artiste? Les naïfs en Haïti sont surtout des hommes. Les invités du mariage sont positionnés comme pour une photo, la mariée sourit un peu, plutôt métisse et le marié a l'air plus jeune. Sur les deux tableaux, les personnages sont représentés de face ou de profil, jamais de trois-quarts. La représentation naïve des fenêtres ou vitraux est assez similaire. On s'habille bien dans les Caraïbes, non? Bien sapés, vraiment.
5/6 - Dragan Gazi "Devant l'église", huile sur verre 1969
6/6 - Jean-René Jules. Acrylique sur toile (50 x 61 cm)
Ah, on retrouve Dragan Gazi (5/6) devant l'église (ce n'est pas une histoire de Toto). Il aime poser son chevalet dehors. Dragan est un classique qui a coché toutes les cases: né et a vécu à Hlebine, paysan et peintre sur verre, aquarelliste aussi. C'est l'automne (on voit des chanterelles). Le prêtre dit la messe sur la place du village, à gauche s'esquisse un bal avec violon et contrebasse. En cachette, deux amoureux s'embrassent derrière la vigne sous le regard du gamin perché dans l'arbre. Le bedeau sonne les cloches, et l'on entrevoit deux têtes couronnées dans l'église. La composition du tableau est magistrale.
En-dessous, Jean-René Jules représente aussi la place du village, devant l'église (6/6). Un photographe immortalise l'instant du mariage. Plus à gauche des jeunes entament une danse. Plus à l'écart, deux jeunes se parlent. Sont-ils amoureux? Le prêtre attend sur le parvis de l'église: est-ce un enterrement qui va succéder au mariage? C'est troublant. Quatre enfants semblent porter un petit cercueil et une petite foule descend des collines, toujours joliment représentées chez les naïfs haïtiens, à l'instar de Jean Baptiste Chéry. Jean-René Jules, malheureusement, je ne sais rien de toi. Mais ton cousin imaginé en Croatie se prénomme Dragan.
7/8 - Josip Generalic "Femmes de pêcheurs", huile sur toile 1971
8/8 - Gérard Valcin, huile sur toile de 1987 (61 x 50 cm)
Allons faire un tour sur la rivière (7/8). C'est certainement la Drave chez Josip Generalic, une des stars de ce blog, un des rares à oser pareille scène (son père ne l'aurait pas fait, mais Josip a humé l'air du flower power). La pêcheuse au centre a l'air de défier celui qui la regarde avec un mélange de crainte et défiance. Sont-ce de grosses carpes? Pas des silures quand même... Remarquez (ou pas) la marque blanche de leur culotte sur leur peau.
Chez Gérard Valcin (8/8), trois sirènes se sont assises sur un rocher, accompagnées d'un officier lui aussi sirène (ben si). Cinq gros poissons tournoient autour d'eux, en une composition symétrique. Gérard est né en 1923 ou 1925 dans un milieu misérable (pléonasme en Haïti?), pour une longue vie.C'est en 1947 que sa carrière démarre lorsqu'il apporte un de ses tableaux au centre d'art de Port-au-Prince, dirigé par Dwight Peters qui va aider à faire connaître l'art naïf haïtien au monde entier. Ce sera fait dans les années 60. Il en fut de même chez les naïfs yougoslaves. Gérard est un spécialiste des représentations du culte vaudou et des scènes traditionnelles.
9/10 - Stepa Sirkovic: "Mariage", huile sur toile 1970
10/10 - Wilbert Laurent, acrylique sur toile de 1999 (51 x 41 cm)
Mariage festif en calèche avec Stepa Sirkovic (born 1932), un Serbe de Drlupi au pied du mont Kosmaj. Son histoire est touchante. Stepa a passé sa vie cloué au lit. Il dit que son inspiration, c'est "attendre" (une jeune fille). Son thème: "les choses dont on rêve dans la vie". Aussi, lorsqu'il peint une scène de mariage (9/10), il avoue: "C'est à la fois un mariage que j'ai vu et auquel j'ai assisté. Et d'autre part aussi quelque chose que j'ai imaginé. Ce qu'on n'a pas vécu soi-même, on peut toujours le fixer sur la toile pour voir à quoi cela ressemble". Et il conclut: "Il faut essayer de vivre en homme".
Wilbert Laurent est originaire de Lafond, un coin de campagne près de Jacmel où les paysans sont devenus peintres, donnant naissance à une école, comme à Hlebine. Sur la signature de son tableau (10/10), l'indication du lieu du mariage: "Jacmel". Ici les invités arrivent à cheval des collines luxuriantes. Tous les convives du premier plan, mariés inclus, ne regardent pas l'objectif du photographe accroupi tout à gauche, mais l'oeil du peintre. Etonnant, non?
11/12 - Eugen Buktenica: "Les insulaires", huile sur lesonite 1967
12/12 - P. Sylvince: acrylique sur toile 1998 (39 x 54 cm)
Ici, le jumelage des deux tableaux ne tient qu'à la présence conjointe des chevaux marchant au pas. En haut (11/12), on embarque pour l'île de Solta sur l'Adriatique, au village de Grohote où Eugen Buktenica (né en 1914) a passé sa vie. Il est décrit comme "fermier, pêcheur et individualiste". "Déporté durant la guerre, il a survécu après avoir contracté le typhus" (incroyable la litanie des malheurs vécus par les peintres paysans nés durant le premier quart du XXème siècle...). En 1946, des touristes polonais arrivèrent sur l'île et incitèrent les insulaires à peindre. Ainsi, Eugen le rustre, le "célibataire privé de femme" "empoigna une brosse en poils de chèvre et prépara son matériel, de la chaux mélangée à la colle" (c'est ça la lésonite?). Il a 61 ans quand il peint ces insulaires en binôme sur des ânes.
Quant à P. Sylvince, pauvres de nous, nous ne savons rien de lui. Sur sa toile (12/12), la cohorte des convives du mariage serpente à cheval depuis l'église sur la colline (le prêtre est encore resté sur le parvis). Tout le monde paraît sage et recueilli, la mariée tout en blanc. Le marié, lui, a tout l'air d'un personnage échappé d'un tableau de Diego Rivera. Le sigle JHS, que l'on retrouve inscrit deux fois, c'est l'abréviation imparfaite de Jésus (là-bas dans le ciel).
13/14 - Ilija Bosilj - "Procession" huile sur lesonite 1964
14/14 - Alexandre Grégoire, huile sur toile 1997 (41 x 31 cm)
On va donner le nom de "Procession" à ce jumelage assez improbable. En haut (13/14), le vieux cultivateur Ilija Bosilj-Basicevic de Sid en Voïvodine: il est né en 1895 et n'a commencé à peindre qu'à... 63 ans, même pas 10 ans avant son trépas. Qui a dit "a-t-il bien fait de prendre le pinceau?". En effet, on voit que "sans expérience artistique ni préparation, il s'est mis tout à coup à dessiner des peintures très spéciales qui sortent de l'art courant naïf". Son fils dit: "Il applique directement la peinture du tube et n'emploie pas de palette. Il ne mélange pas les coloris sauf dans de rares cas". Les personnages de la procession évoqueraient-ils James Ensor dans "les masques singuliers" par exemple, ou j'écris là une grosse bêtise?(réponse 2).
En dessous (14/14), voici une petite huile d'Alexandre Grégoire, né à Jacmel en 1922 (ce blog ne donne presque jamais d'indication sur la mort des peintres naïfs, réputés immortels), il joua du saxophone dans l'armée et ce n'est qu'en 1968 qu'il finit pas rejoindre le centre d'art de Port-au-Prince. Sa "procession" autour des mariés au sortir de l'église est bien sage et la composition quasiment symétrique. La mariée tient une ombrelle plutôt qu'un poisson, le marié est un pas derrière elle. Prudent. Il a bien raison, à présent que le voici marié.
15/16 - Ilija Bosilj: "Orme" Huile sur lésonite 1967
16/16 - Jean Tikôk, huile sur toile de 1998 (40 x 30 cm)
Qui l'eût dit, qui l'eût cru?"Ilija Bosilj, le sexagénaire de Sid, venu du XIXème siècle, nous revient pour une autre huile sur "lésonite" (qu'est-ce donc, un panneau de bois?), avec des êtres et animaux fantasmabuleux: au choix un coq bicéphale, un hippocampe terrestre, un serpent-coq (15/16).
En face, le méconnu (chez nous) Jean Tikôk, inspiré par l'Afrique, célèbre l'union de M et Mme Girafe (et son voile éthéré) sous les vivats de léopards embarqués (16/16). Sont-ce des lions tapis dans la savane? Le maître de séance est le hibou lettré et chapeauté, monté sur l'estrade avec le code civil. Jean Tikôk un peu original et farfelu, mais bien moins à l'ouest qu'Ilija qui a placé la barre très haut.
17/18 - Janko Brasic: "Mariage" 1961 Huile sur toile
18/18 - Jean Baptiste Jean "Mariage gaté" huile sur toile 1995
Finissons en beauté ce jeu des jumelages entre deux contrées si éloignées l'une de l'autre, mais si proches par leur rapport à la nature, leur retranscription des petits gestes du quotidien, par leur désir de représenter leur monde idéalisé, respectueux du passé. En haut (17/18), mariage serbe par Janko Brasic d'Oparic, souvent habitué à peindre des scènes de bataille contre les Turcs, où les Serbes gagnent à chaque fois. La mariée est vêtue très années 1960, avec une jupe assez courte et élégante. Son mari est un peu plus petit. Les musiciens commencent à chauffer l'ambiance.
Même scène virant à la liesse chez Jean Baptiste Jean en Haïti. Né en 1953 au Cap Haïtien, il rejoint le centre d'art de Port-au-Prince en 1971. Enfin un tableau où les Haïtiens, réputés danseurs et rieurs, commencent à se lâcher. On tape des mains, on tombe par terre, même la femme enceinte (aucun rapport avec le marié, si?) et ses trois rejetons vient se plonger dans la joie collective qui grandit. Au second plan sous l'arbre, la personne en bleu joue-t-elle de la musique ou vend-t-elle du poisson? (réponse 1?).
"Cé anvi baille ki baille"
("C'est l'envie de donner qui donne", soit on donne aux autres car on a envie de donner et d'être généreux. Proverbe haïtien)
A bientôt, Cébizar Lémek
7 commentaires