• 29. Le grand trombinoscope (part two)

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Portrait d'un Slovaque", par Mihajlo BIRES (huile sur toile, 1972)

    Ce blog prend tout son temps, j'en conviens. Ce grand trombinoscope (part two) est donc la suite du 20ème article écrit en avril 2016, où l'on avait retrouvé un villageois commun, un mendiant, un paysan pensif, un domestique, une gardienne d'oiseaux, un vieillard et un autoportrait étonnant d'Ivan Generalic (appelé "le boss" dans ce petit blog). Découvrons Mihajlo Bires (né en 1912), un fermier d'origine slovaque. Il dit que la peinture est pour lui un passe-temps pendant l'hiver. Il peint beaucoup de portraits de paysans, une dizaine de tableaux par an. Ce Slovaque a le regard mélancolique. Que pense-t-il des oustachis moustachus?

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Autoportrait", huile sur verre de Dragisa BUNJEVACKI (1963)

    Dragisa a toujours la pipe et le béret, j'ai vérifié. Sur son autoportrait, il a rasé sa barbe. Né en 1925 près de Belgrade, il vit en Voïvodine. Un peu perturbé par la violence du monde (les guerres, la bombe atomique qui le hante), il a longtemps vécu dans le monde du cirque comme garçon d'écurie, on l'a vu aussi imprimeur ou musicien de café. Il tient un joli discours: "La peinture m'accapare à un point tel que des gens disent: "cet homme a tout abandonné, c'est un raté complet". Ils sont incapables de comprendre combien je suis riche en fait. Car la richesse, ce n'est pas seulement le fait d'avoir une belle maison aux murs à carreaux vernissés et deux automobiles devant la façade ou un hélicoptère sur le toit. La richesse, elle est dans l'âme, dans le fait de posséder quelque chose pour quoi l'on vit. Si cela fait défaut, alors tout le reste ne signifie rien, un tas de briques et de tuiles sans valeur, un monceau de métal, rien de plus. Voilà comment je vois les choses: l'homme doit avoir en lui une vie spirituelle; sinon, l'existence ne vaut pas d'être vécue". Un philosophe avec une pipe et un béret!

    29. Le grand trombinoscope (part two)

    "Autoportrait", huile sur verre de Franjo KLOPOTAN (1972)

    Que se passe-t-il quand un infirmier un rien mystique se met à la peinture sur verre? Si vous avez parcouru l'article sur les animaux extraordinaires, vous avez déjà une idée de l'univers de Franjo (un Croate, né en 1938 à Presecnje), qui aime peindre papillons et oiseaux. C'est un "gai papillon" que l'on retrouve sur la gauche du tableau (si). Franjo a décidé que le côté gauche, c'est la face heureuse de la vie, avec "un lac paisible, un paysage calme". A droite, "c'est le côté malheureux de l'existence: une croix à laquelle pend un poisson et deux oiseaux de proie. C'est 'âge adulte". Donc, l'enfance heureuse à gauche. L'autoportrait, tout d'orange vêtu et portant jolie barbe, a les yeux d'un illuminé. Pas étonnant de la part de quelqu'un capable de peindre un "rêve de chat" ou "la rédemption d'anciens péchés". La signature, en haut à gauche, est bien jolie. Franjo s'étonne parfois de vendre moins de tableaux que d'autres collègues. Quand on peint des poissons pendus...

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Le retour", huile sur toile de Tomislav PETRANOVIC (1972)

    Pas une, mais deux trombines ici, avec l'instituteur croate Tomislav-Rvat Petranovic, qui vit à Prvca (né en 1934). Il est assez costaud, et porte des rouflaquettes. Vous vous souvenez de son tableau "Eau folle?" Il aime les thèmes chers aux peintres-paysans: la vallée de la Save, la rivière, les marais, les vieilles souches d'arbre, les "paysans aux poings formidables qui, au dire de certaines personnes, paraissent un peu grotesques, bien que je ne les caricature nullement". Vous avez vu la main de la dame qui rentre du village avec son panier en osier rempli de victuailles sans doute? Un vrai battoir! Celle du pépé qui tient la grosse bûche sur son épaule n'est pas mal non plus. . Le tableau dégage une forme de sérénité. Nulle fatigue sur les traits du couple, très à l'aise dans la campagne enneigée.

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Le faucheur", huile sur toile d'Anton REPNIK (1970)

    Etonnant tableau, que ce faucheur aux tons jaune et rouge, dans une position que l'on retrouve dans les peintures africaines ou haïtiennes. Il est occupé à affûter la lame de sa faux avec une pierre biseautée. Anton, c'est à Gornja Muta, près de la frontière autrichienne qu'on peut le trouver. Il vit à l'étroit: "nous vivons à neuf dans une même pièce" 'avec sa femme et ses sept enfants!). Ancien ouvrier métallurgiste, tombé malade et déclaré invalide, il s'est mis à peindre en 1962. En même temps que sa santé s'améliorait, les couleurs de ses tableaux sont devenues plus vives. Il devait être assez en forme lorsqu'il a peint son faucheur! Certain d'être différent des autres peintres, il nous dit: "les visages des gens qui figurent sur mes toiles ne sont pas de simples portraits. Ils sont le résultat d'une étude psychologique de nos paysans. Je m'efforce toujours de faire apparaître le sens de l'humour qui caractérise notre peuple. D'après la physionomie de mes personnages, il vous est facile de voir ce qu'ils pensent et ce qu'ils sentent". Dis-moi, faucheur au regard triste et à la bouche qui fait la moue, à quoi penses-tu?

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    "La penseuse", huile sur toile de Savo SEKULIC (1960)

    Savo est presque né avec le siècle (1902, à Bilisanje, Croatie). C'est un des doyens de ce blog. Il y a une photo de lui avec un chapeau: il aurait pu jouer dans "l'affaire Seznec". Il plisse les yeux et vous regarde. Ce n'est pas un paysan, il fut un temps maçon, et a accepté tous les emplois qui passaient à sa portée. Il aime à peindre sur toiles des sujets fantastiques et se dit aussi poète. Mais rien de cela ici avec cette "penseuse" que malheureusement il n'a pas commenté. Dommage! Car l'ami Sekulic est un peu perché, qui voit "sur des murs humides toutes sortes de petites figures";

    Le ton du tableau est assez moderne, non? Déjà, la composition étonne, avec la main posée horizontalement et la position des jambes qui interpelle. Il y a du respect de la part du peintre pour cette femme, non représentée comme une paysanne rustaude aux traits tirés, mais plutôt comme une intellectuelle au visage assez fin. On la verrait bien assise dans un café chic de la Mitteleuropa, à Vienne ou Bucarest. Ou je me trompe? 

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Vagabond", huile sur bois de Djordje SIJAKOVIC (1971)

    Si Savo Sekulic pensait être le dinosaure de ce trombinoscope part-two, il est coiffé sur le poteau par Djordje, né en 1901 (à Cettigné, Monténégro)! Djordje Sijakovic porte des lunettes, on dirait un homme politique. Il est allé en Amérique (!), alors que la plupart des peintre naïfs n'ont jamais quitté leur coin de campagne. Ce n'est qu'une fois à la retraite qu'il a pris le pinceau de son fils et s'est mis à peindre sur bois des scènes de la vie en Macédoine. Des bûcherons albanais, des campements de gitans. "Prenez ce vagabond, dit Djordje. Sa mise n'a rien de macédonien, cela vient de là-bas (l'Amérique). Il est de teinte sombre, de ton quelque peu triste, tandis que les couleurs sont beaucoup plus vives pour "les gitans", parce que leur univers est optimiste. Ces gens sont très gais. Selon moi, ils ont une conception réaliste de la vie. Même lorsqu'ils sont tristes, ils savent comment atténuer leur affliction". Ici, on aime bien cette remarque sur les gitans, un peuple souvent représenté par les peintres naïfs, et avec bienveillance. 

    Le vagabond nous regarde avec ses yeux verts, tels les raisins de la colère. Il est torse-nu sous son vieux manteau rapiécé, et porte son baluchon sur le dos. Il a un port de tête un rien biblique et tient sa canne à la Charlot.

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    "Imbro de Hlebine", huile sur verre de Josip GENERALIC (1975)

    Ah, ah! On fait le grand écart dans ce trombinoscope part-two et on va terminer par des vedettes de ce blog, et d'abord par l'un des plus illuminés, Josip Generalic. C'est sans la première fois que le tableau est représenté en entier. Il en a semble-t-il peint plusieurs variations. Il a apposé sa signature en pendentif. Quel instrument Imbro tient-il dans sa main droite? On dirait une sorte de trompette. Josip saurait très bien vous expliquer pourquoi ce tableau ne doit pas nous surprendre. La tenue du cosmonaute est formidable, il est nu-pieds et la vache, paisible, broute le lichen... de la Lune?

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    "Les boeufs", huile sur toile de Josip PINTARIC (1973)

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    "Le vieil homme et le maïs", huile sur toile de Josip PINTARIC (1971)

    On retrouve le menuisier Josip Pintaric pour deux tableaux superbes, sans doute déjà montrés. Mais le visage de ces deux hommes là devaient trouver place dans ce trombinoscope.

    29. Le grand trombinoscope (part two)

     

    "Sofija Loren" (détail), par Josip GENERALIC (1973)

    Pour clore ce chapitre, la couverture un peu usée d'un grand livre "chefs d'oeuvre en grand format: la peinture naïve en Yougoslavie". Avec Sophia Loren dans la Podravina, et son chat qui nous regarde, tel un être humain!

    A bientôt!

    cebizarlemek.eklablog.com

     


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