• 19. Funérailles à la slave

     

    Ivan LACKOVIC CROATA: "Funérailles du pauvre" 1966

    Un peu de gaîté, intéressons-nous au thème de la mort, des enterrements, chez nos naïfs yougoslaves! Et retrouvons Ivan Lackovic, l'un de nos cracks préférés, pour les funérailles d'un pauvre en hiver, saison de la solitude. Au commentaire, Vladimir Malekovic, spécialiste de l'art "autochtone" (une autre façon de dire "naïf", un terme que tant s'emploient à éviter): "Funérailles du pauvre est la première et la plus importante toile de Lackovic du cycle des nostalgies mythiques. A l'origine de cette oeuvre ne réside pas l'émotion de l'artiste, mais un point de vue ingénu. A travers un paysage désert et enneigé dix personnages accompagnent le triste convoi funèbre d'un sans-toit jusqu'à son dernier lieu de repos. Deux chiens égarés et un essaim de corneilles tournent autour de ce convoi qui traîne lentement parmi des croix abandonnées. Au milieu de la scène, une tombe ouverte: sur la terre qui entoure la fosse fraîchement creusée et encore chaude, des bouquets de coquelicots rouges se sont épanouis! La nature a réglé ses comptes: par une grande mandorle fleurie, elle a dirait-on érigé à un sans-nom la plus belle porte triomphale à l'entrée du néant". Fortiche comme interprétation, non? Qu'en penses-tu, Ivan?

     

    19. Funérailles à la slave!

    Ivan Lackovic: "Funérailles de Konaci" 1966 - sérigraphie/papier

    19. Funérailles à la slave

     

    Sofija DOKLEAN: "L'enterrement", huile sur toile de 1972

    Sofija est d'origine roumaine. Née en 1931 dans le village d'Uzdin, non loin de Belgrade, en Serbie donc, elle n'a semble-t-il jamais quitté son coin de campagne, cousant, confectionnant des coussins "comme des bateaux", travaillant dans les champs.Mariée à 16 ans, elle dit que c'est elle qui a choisi son mari (hum!). Son mari est heureux de la voir peindre les coutumes, le peuple au travail dans les champs. A propos de l'enterrement, Sofija dit: "C'était quelque chose de triste. Un garçon de notre village était mort et je suis allée à son enterrement. D'habitude, tout le monde s'y rend lorsque c'est quelqu'un du village qu'on enterre. Toutes les femmes pleurent. C'était infiniment triste".

    Les femmes sont en noir, les hommes en blanc, le cimetière au second-plan est superbe.

    19. Funérailles à la slave

     

    Jozé SVETINA: "Funérailles" - huile sur verre, 1968

    En Slovénie, Jozé Svétina est instituteur (né en 1934 à Smartno) et vit à Zavodnje, petite localité de montagne. Vous avez remarqué?: il peint des ciels rouges. Jozé s'explique: "le soir, parfois le ciel est d'un rouge si beau qu'il y a une lueur rouge même à l'intérieur des maisons. Mais le rouge de mes tableaux est le reflet de la mort de ma fille de six ans. Ici sur la montagne, au milieu de ce paysage magnifique, mais aussi dans cette solitude, je ne parviens pas à me défaire de la tragédie de ma fille. La peinture représente ses funérailles. Ce souvenir m'obsède". 

    19. Funérailles à la slave

     

    Dragan GAZI: "Un malade dans la famille" Huile sur verre, 1975

    Ah, ici on triche un peu! La mort n'est pas encore entrée par la fenêtre emporter l'âme du malade, et on espère même qu'il guérira, avec des infirmières pareilles! Dragan est fermier (né en 1930), c'est le voisin d'Ivan Generalic, le boss de Hlebine. Il aime la peinture réaliste, représenter les animaux et les travaux des champs. Ici, il se démarque de ces thèmes classiques, avec ce malade verdâtre. Peut-être pense-t-il à son frère Branko, sculpteur connu, cloué au lit durant 20 ans,  qu'il a soigné sans repos. Ne laissez pas la bougie s'éteindre!

    19. Funérailles à la slave

     

    Finissons cette tournée des cimetières avec ce dessin au crayon, plume et encre de Chine d'Ivan VECENAJ ("Enterrement" -1962), vous savez, le toqué des thèmes bibliques! A bientôt,

    Cébizar Lémek

    (cebizarlemek.eklablog.com)


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  • 18. Excentricités yougoslaves

     

    IVAN GENERALIC: "Mona Lisa de Hlebine" Huile sur verre - 1972

    Jusqu'à présent ce blog à quat' sous vous a surtout exposé des tableaux représentant les thèmes classiques des naïfs yougoslaves: la vie à la campagne, les animaux, les saisons, les semailles et les moissons. Oui, mais ces gens-là ont aussi dans un coin de leur tête une extravagance qu'il ont parfois du mal à cacher. Dans le Nord on dirait qu'ils ont "des chauves-souris dans le beffroi", dans le Léon on les trouverait "complètement chavirés". Une toile emblématique de cette excentricité, c'est "Imbro de Hlebine" (1975) de Josip Generalic, représentant un cosmonaute et sa vache sur une Lune de la Podravina (je vous invite à la retrouver sur le net, ce blog n'en n'a pas eu copie). A défaut, commençons par "Mona Lisa de Hlebine" du boss Ivan. Drôle de poule aux serres impressionnantes, un peu apeurée dans un paysage martien.

    18. Excentricités yougoslaves

     

    DUSAN JEFTOVIC: "Mon rêve" - huile sur toile de 1970

    Changeons de province, et partons en Serbie retrouver à Belgrade le moustachu Dusan Jeftovic (né en 1925), fan de Brueghel, qui aime représenter une foule de personnages sur ses toiles. On est ici servi avec "mon rêve". C'est un ancien officier de police qui a peint ce tableau foisonnant. De sa femme, Dusan dit: "Fréquemment, elle me critique si elle pense que j'ai été trop loin dans une scène, si c'est trop théâtral ou déplaisant. Parfois aussi, elle critique mes couleurs... Mais quand elle m'adresse ces critiques, je n'y fais pas attention. Il arrive même que je me fâche et que j'élève la voix. Mais, après un certain temps, je m'assieds, je réfléchis, je regarde et je me rends compte que ma femme avait raison..."

    18. Excentricités yougoslaves

     

    BORIS LAVRIC: "Sur les ailes de la nuit" - huile sur verre de 1971

    Faisons un saut en Slovénie, à Kranj, retrouver un mécanicien-téléphoniste un peu exalté, peintre de l'âme humaine tiraillée "entre la terre et l'espace, l'éternité et le néant". Boris (né en 1933) dit: "Dans mes peintures, en ce moment, ce sont uniquement les femmes qui voyagent. Elles sont portées par des coqs puissants ou des chevaux vigoureux. Cela représente quelque chose qui conquiert les planètes, c'est purement symbolique. Le coq ou le cheval pourrait être disons une fusée ou un navire ou quelque chose de ce genre. Où vont les femmes? C'est difficile à dire. Et il est encore plus malaisé de savoir où elles s'arrêteront".

    Tu as raison, Boris, cette question, tous les hommes se la posent!

    18. Excentricités yougoslaves

     

    MILAN NAP: "Ensemble pour toujours" huile sur toile (1972)

    Milan a 59 ans lorsqu'il peint ce curieux tableau. Né en Croatie, il est parti vivre au Kosovo à l'âge de la retraite. Ce n'est qu'à partir de là qu'il s'est sérieusement mis à peindre, formant un groupement des peintres anciens mineurs à Ombilic. De sa toile, Milan dit: "J'ai voulu montrer, d'après des monuments à la fois turcs et serbes, certains éléments de l'histoire de notre région. Les évènements auxquels je fais allusion se sont déroulés il y a longtemps, mais les pivoines rouges sont encore là. Les gens disent qu'elles sont du sang des héros qui sont tombés ici au Kosovo, dans cette plaine qui ressemble à un tapis tissé de pivoines qui s'inclinent sous les souffles du vent, et l'on dirait que le ciel en est tout rempli."

    Merci de ces précisions, Milan, mais tu ne nous a pas expliqué ce que fait le merle sur ce buffle (même si la couleur plombée du ciel rappelle les mines de plomb et d'argent de Kosovo)...

    18. Excentricités yougoslaves

     

    ANTUN BAHUNEK: "Chevaux folâtres" huile sur toile de 1975

    C'est dans une arrière-cour des faubourgs de Zagreb qu'on a retrouvé Antun Bahunek. Antun est né en 1912. Il a travaillé dans les chemins de fer, peignant des signaux sur les locomotives et les wagons.Antun dit: "J'ai changé la fumée des locomotives contre l'air frais de ma région".

    Et c'est vrai qu'il aime peindre des paysages vallonnés, avec "the Antun touch": sa technique? inscrire des petits cercles sur la surface unie du tableau, découpant l'étendue et y imbriquant des molécules de couleur. Dans ces "chevaux folâtres" (quel joli mot!), assez surréaliste, deux chevaux jouent dans un décor étrange d'arbres et de bosquets. La jeune cavalière nue symbolise "le rêve, l'évasion, la personnification de la jeunesse et de la beauté pastorale". C'est ce qu'a écrit Nebjsa Tomasevic, et c'est un sacré spécialiste!

    18. Excentricités yougoslaves

     

    PETAR RISIC: "Le coq blessé" (huile sur verre - 1975)

    Pour terminer ce tour d'horizon des excentricités naïves, choisissons ce coq blessé (bien mal en point!) de Petar RISIC. Petar est né en 1927 en Serbie. Retraité de l'armée (encore un militaire qui peint), ancien Partisan, il va représenter les scènes de sa province natale, se souvenant des histoires du grand-papa Zdravko. Le coq blessé "gît dans la cour d'une vieille maison. Il symbolise l'homme vaincu par l'existence, étendu sans aide, privé de la force virile de la vie. Ses plumes, comme les feuilles, se confondront avec le sol et disparaîtront de la surface terrestre" (c'est ce qu'explique Nebojsa Tomasevic, lui même ancien Partisan, fin connaisseur de nos chers naïfs)

    Cébizar Lémek (cebizarlemek.eklablog.com)


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